Repreneuriat, Économie sociale
La reprise collective : une avenue à explorer
14/06/2024
Le 2 mai dernier, l’équipe du quotidien La Tribune était en vedette lors de l’atelier sur le repreneuriat collectif à l’Expo Entrepreneuriale, organisée par Entreprendre Sherbrooke. Les employé.es du journal ont opté pour la reprise collective de l’entreprise pour éviter sa fermeture. Cette aventure inspirante ne s’est toutefois pas faite comme par magie. Des enjeux et des défis considérables ont parsemé ce parcours. Et maintenant, c’est à votre tour d’en tirer des leçons pour bien préparer votre propre cheminement vers la reprise collective!
La reprise collective,
qu’est-ce que c’est exactement?
Selon le Centre de transfert d’entreprise du Québec, « la reprise collective permet à des employé.es, des client.es, des fournisseur.euses ou des usager.ères de reprendre une entreprise pour l’exploiter collectivement ». L’entreprise collective peut alors prendre la forme d’une coopérative ou d’un organisme à but non lucratif (OBNL).
Le repreneuriat collectif repose sur les six principes de l’économie sociale que l’on retrouve dans la Loi sur l’économie sociale (article 3) :
- Réponse aux besoins des membres ou de la collectivité
- Indépendance face à l’État
- Gouvernance démocratique par les membres
- Viabilité économique
- Réinvestissement dans l’entreprise ou distribution des profits entre les membres au prorata
- Reliquat dévolu à la mission sociale en cas de dissolution
Différents acteurs et actrices sont appelé.es à jouer un rôle dans cet important virage, que ce soit les cédant.es (les propriétaires qui vendent l’entreprise), la relève (ceux et celles qui reprennent l’entreprise), les accompagnateur.trices (les organismes qui fournissent un soutien pour mener à bien la transition) et les bailleur.esses de fonds (les organisations qui financent la reprise et les services professionnels requis). Chacune des parties prenantes compose avec ses enjeux et ses défis, d’où la nécessité de se poser les bonnes questions dès le début du processus de reprise collective.
Les principaux défis rencontrés
lors de la reprise collective
Bien que chaque situation soit unique, certains défis font régulièrement surface lorsqu’il est question de reprise collective. Le quotidien La Tribune a d’ailleurs partagé son expérience avec transparence à l’Expo Entrepreneuriale, pour informer, sensibiliser et inspirer d’autres membres de la relève.
L’un des grands défis rencontrés concerne la différence des perceptions autour de la définition de l’entreprise collective et de la participation de chaque personne aux décisions de l’entreprise. Il faut dire que le concept de reprise collective reste encore méconnu et peu répandu, comme en témoignent les diverses visions ou les mythes qui en découlent.
Pour pallier cette situation, La Tribune s’est donnée pour objectif de développer une vision commune de l’entreprise au moyen d’une animation stratégique. Cela a permis aux membres de la relève de s’approprier collectivement la planification stratégique de l’entreprise, afin de mieux saisir ses organes de gestion participative (horaires, distribution des tâches, etc.), ses mécanismes coopératifs formels (ex. : employé.es au conseil d’administration) et ses relations au travail. Pour d’autres entreprises, le développement du sentiment d’appartenance pourrait, par exemple, passer par l’organisation d’activités de team building ou encore par la distribution d’articles promotionnels.
Un autre défi vécu à maintes reprises lors de la reprise collective se veut l’intégration de la culture coopérative. Dans le cas de La Tribune, des actions bien concrètes ont été déployées en ce sens, notamment une formation pour les repreneur.euses autour des principes clés de l’économie sociale, de la gouvernance démocratique et de la vie associative.
Cette formation, axée sur la communication claire, a renforcé les connaissances et les compétences en entrepreneuriat collectif au sein de l’organisation. Un accompagnement externe d’organismes spécialisés tels que le Pôle, la CDRQ, le CTEQ ou Entreprendre Sherbrooke, pourrait aussi s’avérer une solution efficace pour favoriser une bonne intégration de la culture coopérative.
Évidemment, la notion de l’adhésion volontaire prend tout son sens dans le repreneuriat collectif. À La Tribune, vue la situation exceptionnelle de sauvetage de l’entreprise, un taux très élevé de 98% d’adhésion volontaire a été observé, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs. Il importe donc d’anticiper une certaine résistance au changement en amont pour atteindre au moins 75% d’adhésion volontaire chez les employé.es.
On ne saurait parler de reprise collective sans aborder le nerf de la guerre : le financement. Les employé.es au cœur de la reprise de La Tribune ont su frapper aux bonnes portes pour obtenir le financement nécessaire à leur projet. Au-delà de la transaction comme telle, il faut aussi penser à financer les étapes de sa préparation, soit les frais de fiscalité, de notaire et d’accompagnement, pour ne nommer que ceux-ci. De nombreux partenaires de financement sont alors requis, ayant chacun des programmes et des fonds bien distincts.
La reprise collective :
des avantages bien tangibles
Malgré les défis rencontrés, le repreneuriat collectif comporte plusieurs avantages fort intéressants pour tout le monde. Pour La Tribune, le gain majeur est certainement l’augmentation de l’engagement des employé.es envers l’entreprise et sa mission. Le sauvetage de l’entreprise, grâce à la reprise collective, a résolument soudé les personnes en place autour d’un objectif commun : la survie de l’entreprise.
Cette consolidation de l’engagement s’est manifestée par le développement de la collaboration entre les départements, ce qui a permis de briser les silos. Les employé.es travaillent aujourd’hui avec une meilleure synergie et une solidarité accrue qui n’auraient peut-être pas été aussi fortes sans le contexte de reprise collective.
Tout ceci contribue activement à accroître l’attractivité de l’emploi et la rétention de la main-d’œuvre – un avantage de taille en cette période de pénurie de main-d’œuvre! Des employé.es engagé.es, dédié.es et imputables aux décisions de l’entreprise ont davantage tendance à y demeurer plus longtemps. Le repreneuriat est d’ailleurs considéré comme une solution à envisager pour déjouer la pénurie de main-d’œuvre, comme le démontre cet article paru dans Les Affaires.
Et surtout, la prise en charge collective augmente la pérennité de l’entreprise, sachant que plus de 2 000 entreprises pourraient fermer leurs portes dans les prochaines années faute de reprise (Les Affaires). La reprise par des employé.es permet la continuité des affaires, ce qui est particulièrement rassurant pour l’équipe, les client.es et les partenaires, qui connaissent déjà la relève.
Du côté des repreneur.euses, la mutualisation diminue les risques, tout en offrant la possibilité de participation des membres aux bénéfices. Il y a là un avantage non négligeable à considérer pour continuer de répondre aux besoins des membres ou de la communauté dans un climat de partage, de confiance et d’entraide.
L’expérience de reprise collective du journal La Tribune illustre à la fois les défis et les gains liés à la passation d’une entreprise. Une telle transition implique une solide préparation en amont, avec par exemple une reprise partielle comme première étape, mais le résultat en vaut assurément le coup!
D’autres options méritent aussi d’être mises sur la table, dont une contribution financière des employé.es en retenue, salaire et mise de fonds initiale, ou encore l’élaboration de scénarios selon différents modèles collectifs pour bien évaluer leurs conséquences fiscales et juridiques. C’est exactement là que le recours à des partenaires financiers et d’autres accompagnateur.trices spécialisé.es marque un point tournant dans cette aventure fascinante qu’est la reprise collective d’une entreprise.
Faites le premier pas vers le repreneuriat collectif avec l’aide de nos expert.es en économie sociale!